Afrique : les médias à l’heure du virage mobile et de l’intelligence artificielle
Face à l’explosion du numérique et des usages mobiles, l’industrie médiatique africaine repense ses formats, ses revenus et sa relation au public. L’IA s’invite désormais dans les rédactions, entre promesses et prudence.
L’Afrique vit une révolution silencieuse dans ses médias. En 2025, le smartphone n’est plus un simple outil d’accès à l’information : il en devient le cœur battant. De Lagos à Nairobi, du Cap à Dakar, la bataille de l’attention se joue désormais sur les écrans de poche.
Selon le rapport PwC Africa Entertainment & Media Outlook 2025-2029 , le secteur des médias et divertissements africains affiche une croissance moyenne de 11 % , portée par la montée du mobile, du streaming et de la publicité numérique. La Nigeria en tête, suivie du Kenya et de l’Afrique du Sud , illustre cette mutation profonde du paysage médiatique continental.
« Nous sommes passés d’un modèle de diffusion classique à une logique d’engagement en temps réel », explique Grace Njoroge , responsable numérique au média kényan The Standard Group . « Les jeunes générations consomment l’actualité sur TikTok, Instagram ou WhatsApp. Le défi, c’est d’y rester crédible. »
Les formats se réinventent. Courtes vidéos, podcasts, lives interactifs : le contenu devient plus instantané, plus personnalisé. Cette transformation s’accompagne d’une explosion de la publicité mobile , aujourd’hui principal levier de revenus pour de nombreux médias africains. Le Kenya, par exemple, enregistre une croissance annuelle de 16 % de la publicité en ligne , selon PwC.
Mais derrière l’euphorie, les défis persistants. L’accès inégal à Internet, les infrastructures défaillantes et la désinformation freinent encore l’essor du secteur. De plus, la pénétration de l’intelligence artificielle reste inégale : seules 9 % des rédactions africaines affirment l’utiliser de façon significative.
Pourtant, l’IA s’impose déjà comme un tournant incontournable. Elle facilite la traduction automatique , la modération de contenu et la recommandation personnalisée . Certains médias, comme Pulse Africa ou Quartz Africa , testent des algorithmes pour cibler leurs lecteurs selon leurs centres d’intérêt ou leur localisation.
« L’avenir des médias africains se jouera sur deux terrains : la mobilité et la confiance. La première tenue le public, la seconde le retient. »
— Dr Sékou Ndiaye, analyste en économie des médias (Université de Dakar)
Selon une étude publiée en octobre 2025 par PwC Africa et relayée par Broadcast Media Africa , le marché des médias numériques africains pourrait dépasser 45 milliards de dollars d’ici 2029 , portés par la croissance du mobile, du streaming et de la publicité en ligne. En parallèle, une enquête menée par l’African Media Initiative (AMI) révèle que près de 70 % des consommateurs africains de moins de 35 ans s’informent désormais via les réseaux sociaux, principalement TikTok et WhatsApp. Ces chiffres traduisent une double réalité : une jeunesse ultra-connectée qui redéfinit les codes de l’information, et des rédactions contraintes d’innover pour rester pertinente dans un environnement dominé par les géants technologiques. À mesure que l’IA s’intègre aux processus éditoriaux, de la traduction automatique à la génération de contenu, les chercheurs alertent également sur la nécessité de garder une éthique journalistique claire et de préserver la diversité des voix africaines face aux algorithmes globaux.
L’Afrique avance à son rythme dans cette course numérique mondiale. Entre promesses d’innovation et contraintes locales, ses médias cherchent leur modèle. Une chose est sûre : la bataille ne se joue plus dans les imprimeries, mais dans les algorithmes.
