EdTech en Afrique : révolutionner l’éducation ou reproduire les inégalités ?

EdTech en Afrique : révolutionner l’éducation ou reproduire les inégalités ?
Alors que l’Afrique compte l’une des plus jeunes populations au monde, l’accès à une éducation de qualité demeure un défi majeur. Face à des systèmes éducatifs souvent débordés, les technologies éducatives – ou EdTech – se multiplient à travers le continent, promettant des solutions accessibles, innovantes et personnalisées. De Dakar à Nairobi, ces plateformes numériques entendent combler les lacunes de l’enseignement traditionnel. Mais si le potentiel est immense, les risques d’exclusion et de fracture numérique restent bien présents.
Une explosion des initiatives locales
La pandémie de Covid-19 a été un catalyseur pour les solutions EdTech en Afrique. Depuis 2020, on a vu émerger des dizaines de plateformes éducatives adaptées aux réalités locales. C’est le cas de M-Shule au Kenya, qui utilise l’intelligence artificielle et les SMS pour enseigner aux enfants via des téléphones basiques. Au Maroc, KoolSkools propose des environnements virtuels complets pour les écoles, avec des ressources en arabe et en français. En Afrique de l’Ouest, Etudesk et Edukoya s’imposent comme des références pour l’apprentissage en ligne et la préparation aux examens.
Ces projets ont en commun une volonté de démocratiser l’accès au savoir en contournant les limites physiques des écoles – classes surchargées, manque de professeurs, absence d’infrastructures – tout en adoptant des outils technologiques simples, souvent mobiles.
Un outil d’émancipation… à condition d’être inclusif
L’un des principaux avantages des EdTech est leur flexibilité. Les élèves peuvent apprendre à leur rythme, accéder à des contenus actualisés, interagir avec d’autres étudiants et recevoir un suivi personnalisé. Pour les zones rurales ou les populations marginalisées, cela peut représenter une opportunité sans précédent.
Mais cette révolution numérique pose aussi des questions : qui a accès à Internet ? Qui possède un smartphone ou une tablette ? Dans plusieurs pays africains, la fracture numérique est encore profonde, entre zones urbaines et rurales, garçons et filles, riches et pauvres. Si l’EdTech devient une solution réservée à ceux qui sont déjà connectés, elle risque de renforcer les inégalités qu’elle prétend réduire.
Former les enseignants, adapter les contenus
Une autre condition de réussite réside dans l’intégration des enseignants. Nombre d’entre eux se sentent dépassés par les outils numériques, peu formés, voire menacés par ces technologies. Or, aucune solution EdTech ne peut être efficace sans l’adhésion du corps enseignant. Former, accompagner, valoriser les professeurs est donc essentiel.
De même, les contenus pédagogiques doivent être adaptés aux contextes locaux, aux langues nationales et aux référentiels scolaires. Trop de plateformes se contentent encore d’importer des modèles étrangers, déconnectés des réalités africaines.
Vers une hybridation durable de l’éducation
L’avenir de l’éducation africaine ne sera pas tout numérique. Mais il sera hybride. Loin d’opposer école traditionnelle et outils numériques, il s’agit désormais de construire des ponts entre les deux. Des écoles connectées, ancrées dans leurs communautés, où la technologie est un levier de progrès et non un substitut.
Pour cela, les politiques publiques doivent suivre. Encourager les innovations locales, réguler les contenus, investir dans les infrastructures numériques, intégrer les EdTech dans les curricula officiels : autant de chantiers urgents pour que la révolution éducative bénéficie à tous.
L’Afrique dispose d’un atout majeur : sa jeunesse. Encore faut-il lui donner les moyens de se former, d’innover, de rêver. L’EdTech, bien pensée, peut être l’un des outils de cette transformation.