Vers une école inclusive au Maroc : des ambitions aux réalités

Vers une école inclusive au Maroc : des ambitions aux réalités
L’inclusion scolaire n’est plus un luxe ou un concept étranger dans les politiques éducatives marocaines. Portée par les discours officiels, les plans stratégiques du ministère de l’Éducation nationale et l’engagement de certaines associations, l’idée d’une école capable d’accueillir tous les élèves, quels que soient leurs besoins spécifiques, gagne du terrain. Pourtant, entre l’intention et la mise en œuvre, le fossé reste important.
Une ambition affirmée dans les textes
Le Maroc a ratifié en 2007 la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Depuis, plusieurs documents stratégiques, tels que la Vision 2015-2030 de la réforme éducative et la feuille de route 2022-2026, insistent sur la nécessité de construire une école équitable, inclusive et centrée sur l’élève. L’inclusion scolaire y est définie comme un droit, et non comme un traitement de faveur.
Des classes inclusives ont vu le jour dans plusieurs établissements, notamment dans les grandes villes. Des enseignants ont été formés, parfois avec l’appui de l’UNICEF ou d’ONG locales. Des efforts sont également menés pour adapter les supports pédagogiques, sensibiliser les élèves valides, et assurer un suivi médical et psychologique.
Des défis structurels et humains
Malgré ces progrès, l’école inclusive au Maroc reste encore marginale. Selon les chiffres officiels, moins de 15 % des enfants en situation de handicap sont effectivement scolarisés. Et parmi ceux qui le sont, rares sont ceux qui poursuivent leur parcours au-delà du primaire. Le manque d’accessibilité des établissements, l’insuffisance des équipements adaptés (tableaux en braille, logiciels de communication, ascenseurs…) et l’absence d’un accompagnement pédagogique individualisé freinent cette ambition.
La formation initiale des enseignants ne prévoit pas encore systématiquement des modules sur l’accueil des élèves à besoins spécifiques. Beaucoup d’entre eux se retrouvent démunis face à ces situations, avec pour seule solution l’orientation vers les écoles spécialisées — elles-mêmes en nombre insuffisant.
Une culture éducative à transformer
Au-delà des obstacles matériels, l’un des principaux freins à l’inclusion est culturel. L’école marocaine reste encore trop marquée par une logique de sélection, où l’échec scolaire est rapidement stigmatisé, et où la différence est souvent perçue comme un handicap, au sens négatif du terme. Pour changer cela, une véritable révolution pédagogique est nécessaire, fondée sur l’adaptation des méthodes d’enseignement, l’empathie, et une redéfinition des normes de réussite.
Des initiatives inspirantes
Heureusement, certaines expériences prouvent que l’inclusion est possible. L’école Al Kawtar à Casablanca, soutenue par des partenaires privés et associatifs, a mis en place un programme d’intégration pour des enfants autistes avec un accompagnement éducatif personnalisé. À Fès, une initiative pilote forme des enseignants à la Langue des signes, afin d’ouvrir l’accès à l’éducation aux enfants sourds.
Ces projets montrent que l’école inclusive est plus qu’un slogan : c’est un horizon atteignable, à condition d’y mettre les moyens humains, financiers, et surtout, de changer notre regard sur la différence.