Bourses africaines : entre essor discret et espoirs de financement local

Bourses africaines : entre essor discret et espoirs de financement local
Alors que les économies africaines cherchent à diversifier leurs sources de financement et à renforcer leur souveraineté économique, les Bourses du continent reviennent sur le devant de la scène. Loin d’être réservés aux multinationales ou aux élites financières, ces marchés commencent à attirer un éventail plus large d’entreprises et d’investisseurs locaux. Mais si les perspectives sont prometteuses, les marchés boursiers africains restent confrontés à des défis structurels majeurs : manque de liquidité, faible culture financière, et instabilité macroéconomique.
Une dynamique positive portée par quelques locomotives
Parmi les marchés les plus dynamiques du continent, le Johannesburg Stock Exchange (JSE) en Afrique du Sud, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) en Afrique de l’Ouest, la Nairobi Securities Exchange au Kenya, ou encore la Bourse de Casablanca au Maroc tiennent la tête du peloton.
En 2024, la BRVM a enregistré une croissance de près de 15 % de son indice composite, portée par des secteurs bancaires et de télécommunications en forme. La Bourse de Casablanca, de son côté, multiplie les introductions en bourse (IPOs) d’entreprises marocaines opérant dans l’industrie, les services ou l’agroalimentaire. Le lancement de son compartiment dédié aux PME témoigne d’une volonté de rapprocher le marché financier de l’économie réelle.
L’émergence d’un écosystème régional du financement
Au-delà des grandes Bourses, plusieurs pays cherchent à créer ou renforcer leur propre place financière. C’est le cas du Rwanda avec le Rwanda Stock Exchange, du Ghana, de la Tanzanie ou encore de l’Égypte, qui modernise son marché et facilite l’accès aux investisseurs étrangers.
Ces initiatives s’inscrivent dans une logique d’intégration régionale. L’objectif : créer des marchés interconnectés, plus liquides et plus attractifs à l’échelle africaine. Le projet de Bourse panafricaine intégrée porté par l’African Securities Exchanges Association (ASEA) va dans ce sens, avec l’ambition de connecter plusieurs plateformes d’ici 2026.
Des freins persistants à lever
Malgré les progrès, les marchés financiers africains peinent encore à jouer pleinement leur rôle. Moins de 2 % des entreprises africaines sont cotées en Bourse. Les raisons sont multiples : complexité réglementaire, méfiance vis-à-vis des marchés, peur de perdre le contrôle familial, ou encore manque d’accompagnement dans la démarche de cotation.
Par ailleurs, la faible liquidité des marchés reste un obstacle majeur. Dans beaucoup de pays, les transactions sont concentrées sur quelques grandes valeurs, ce qui limite la diversité des portefeuilles et accroît la volatilité. Le manque de culture financière, tant chez les épargnants que chez les dirigeants, freine également l’élargissement de la base d’investisseurs.
Vers un changement de paradigme ?
Face aux besoins croissants de financement des entreprises africaines, notamment les PME, la Bourse pourrait devenir un levier stratégique, à condition d’être réformée et rendue plus accessible. Cela passe par :
une simplification des procédures d’introduction en Bourse,
des incitations fiscales,
un meilleur encadrement des analystes et des intermédiaires,
et surtout, une éducation financière massive à l’échelle nationale.
Les acteurs publics ont un rôle central à jouer, mais le changement viendra aussi des entreprises elles-mêmes, en acceptant plus de transparence et en s’ouvrant à des formes nouvelles de gouvernance.
Un potentiel encore largement inexploité
Dans un contexte mondial de reconfiguration financière, les Bourses africaines ont une carte à jouer. Elles peuvent devenir des vecteurs puissants de financement local, de transparence économique et de mobilisation de l’épargne nationale. Encore faut-il qu’elles sortent de leur image élitiste et technocratique pour s’ouvrir au tissu entrepreneurial réel.
Le défi est immense, mais l’enjeu l’est plus encore : bâtir des économies africaines financées par l’Afrique elle-même.