Bourses africaines : vers une intégration continentale ou une compétition fragmentée ?

Bourses africaines : vers une intégration continentale ou une compétition fragmentée ?
Alors que les économies africaines cherchent à accélérer leur développement en diversifiant leurs sources de financement, les marchés boursiers du continent peinent encore à atteindre la masse critique nécessaire pour jouer pleinement leur rôle. Pourtant, l’intégration financière africaine, promise par la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), offre un horizon ambitieux : celui d’un marché boursier panafricain fluide, attractif et résilient. Mais entre fragmentation, faible liquidité et défis réglementaires, le chemin reste semé d’embûches.
Un paysage boursier encore éclaté
L’Afrique compte aujourd’hui près de 30 places boursières, dont les plus dynamiques se trouvent au Maroc (Bourse de Casablanca), en Afrique du Sud (Johannesburg Stock Exchange), au Nigeria (NGX), en Égypte (EGX) et au Kenya (NSE). Mais ces marchés demeurent très inégaux en taille, en volume de transactions et en degré de sophistication.
La Bourse de Johannesburg, à elle seule, représente plus de 90 % de la capitalisation boursière du continent, tandis que plusieurs autres marchés enregistrent moins d’une dizaine d’échanges quotidiens. Cette concentration limite la visibilité des marchés dits “frontaliers”, pourtant riches en potentiel.
Faible liquidité, forte volatilité
Le manque de liquidité reste l’un des handicaps majeurs des marchés africains. Peu d’entreprises cotées, faible rotation des titres, faible présence d’investisseurs institutionnels locaux, et grande dépendance aux flux étrangers rendent les marchés vulnérables aux chocs externes et aux mouvements de capitaux.
Les introductions en bourse (IPO) sont rares, les retraits fréquents, et le climat d’incertitude géopolitique ou réglementaire accentue la prudence des investisseurs, aussi bien locaux qu’étrangers.
L’intégration régionale : un levier encore sous-exploité
Plusieurs initiatives tentent de remédier à cette fragmentation. Le projet African Exchanges Linkage Project (AELP), lancé en 2021 par l’African Securities Exchanges Association (ASEA), vise à connecter électroniquement sept bourses majeures du continent afin de faciliter les transactions transfrontalières et améliorer la transparence.
D’autres initiatives régionales, comme la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) en Afrique de l’Ouest, illustrent qu’un marché commun pour plusieurs pays est possible — et même efficace, à condition d’une harmonisation réglementaire.
Cas du Maroc : entre ouverture internationale et attractivité régionale
La Bourse de Casablanca, deuxième plus importante du continent, joue un rôle stratégique de pont entre l’Afrique subsaharienne, l’Europe et le monde arabe. Engagée dans un processus de modernisation (plateformes électroniques, green bonds, marchés alternatifs), elle cherche à renforcer sa profondeur et son attractivité régionale.
Le Maroc ambitionne de devenir un hub financier africain, notamment via Casablanca Finance City, tout en multipliant les accords de coopération avec d’autres marchés africains.
Vers une nouvelle ère pour les marchés financiers africains ?
L’intégration boursière africaine ne sera pas seulement une affaire de technologie ou de réglementation. Elle nécessitera des choix politiques clairs : renforcer la transparence, améliorer la gouvernance des entreprises cotées, développer l’épargne locale, et construire la confiance des investisseurs.
Dans un monde multipolaire et instable, l’Afrique a tout à gagner à mutualiser ses forces financières. Car un marché de capitaux continental solide peut devenir le poumon du financement africain, capable de soutenir la croissance, d’attirer les investissements productifs, et de financer ses propres champions économiques.