Fraude fiscale : le Maroc serre la vis sur les sociétés domiciliées fictivement

Fraude fiscale : le Maroc serre la vis sur les sociétés domiciliées fictivement

Une vague de contrôles intensifiés dans les grandes villes
Les directions régionales des impôts de Casablanca, Marrakech et Tanger ont lancé une vaste opération de contrôle fiscal ciblant des dizaines d’entreprises bénéficiant de contrats de domiciliation. Objectif : lutter contre l’usage abusif de ce dispositif pour dissimuler des activités, émettre de fausses factures et contourner le paiement de la TVA et de l’impôt sur les sociétés.

Cette initiative s’inscrit dans un contexte où l’administration fiscale renforce ses outils d’audit, en s’appuyant sur l’analyse croisée de ses bases de données et sur des enquêtes de terrain menées en amont dans les structures spécialisées de domiciliation.

Un dispositif détourné à des fins frauduleuses
Les premières vérifications ont mis en lumière des montages complexes visant à exploiter les failles du système de domiciliation fiscale. Certaines entreprises, bien qu’inactives ou sans réelle activité économique, servaient de véhicules pour l’émission de fausses factures, permettant à d’autres sociétés de réduire indûment leur charge fiscale.

Les contrôleurs ont constaté que plusieurs structures de domiciliation ne déclaraient pas la situation réelle de leurs clients aux services fiscaux, se contentant d’encaisser des commissions de renouvellement de contrats sans vérification des obligations fiscales des entreprises domiciliées. Ces manquements ont permis à des sociétés fictives de rester actives sur le plan fiscal, tout en servant de relais pour des transactions fictives appuyées par des virements bancaires, des chèques ou des lettres de change, sans aucune contrepartie réelle.

Un dispositif de fraude structuré
Les contrôles ont également mis au jour des connexions entre ces sociétés fictives et des cabinets comptables, soupçonnés d’avoir facilité ces pratiques grâce à la complicité d’intermédiaires. Certaines entreprises, créées uniquement sur le papier dans le cadre de programmes comme “Intelaka” ou “Forsa”, ont été abandonnées par leurs fondateurs après des tentatives infructueuses de financement, mais continuaient à émettre des factures intégrées dans les déclarations fiscales d’autres contribuables.

Les enquêtes ont révélé que des entreprises ayant connu une croissance déclarative notable n’avaient pourtant jamais procédé à une demande de transfert de siège fiscal, alors qu’elles continuaient à opérer sous couvert de contrats de domiciliation, contournant ainsi le suivi rigoureux de l’administration fiscale.

Vers un renforcement des poursuites judiciaires
Face à l’ampleur de ces pratiques, plusieurs dossiers ont été transmis au parquet, conformément aux articles 192 et 231 du Code général des impôts, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires contre les personnes et structures impliquées. L’objectif affiché des autorités fiscales est clair : mettre fin aux abus de la domiciliation fiscale et assainir le tissu économique.

Le cadre juridique marocain autorise d’ailleurs l’exécution des créances fiscales non seulement contre les débiteurs, mais également contre toute personne désignée comme domiciliataire fiscal, conformément à la loi n°15-97. Un rappel qui pourrait inciter les sociétés de domiciliation à renforcer leurs procédures de vérification et à notifier les situations irrégulières de leurs clients.

Des enjeux de gouvernance pour l’écosystème entrepreneurial
Cette opération met en lumière les défis liés à la gouvernance des structures de domiciliation au Maroc, souvent utilisées comme levier d’agilité pour les entrepreneurs, mais susceptibles de devenir des maillons faibles dans la lutte contre la fraude fiscale.

Si la domiciliation reste un outil important pour simplifier l’accès à la création d’entreprise, elle nécessite une meilleure régulation, une plus grande transparence des prestataires et une prise de conscience des entrepreneurs quant aux risques encourus en cas de non-conformité.

En intensifiant ses contrôles, l’administration fiscale marocaine envoie un signal fort en faveur d’un climat des affaires plus sain et plus équitable. Cette dynamique, si elle s’accompagne de mesures de sensibilisation et de renforcement de la transparence dans le secteur de la domiciliation, pourrait contribuer à renforcer la confiance des investisseurs tout en améliorant les recettes fiscales de l’État, essentielles au financement des politiques publiques.

 

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