L’Afrique et la bataille mondiale de l’information : vers un nouvel ordre médiatique ?

L’Afrique et la bataille mondiale de l’information : vers un nouvel ordre médiatique ?

À l’ère des guerres informationnelles et de l’influence numérique, l’Afrique émerge comme un nouveau champ stratégique dans la bataille globale des narratifs. Des puissances étrangères – Chine, Russie, Turquie, États-Unis, France – investissent massivement dans les médias et plateformes d’information ciblant les publics africains. Face à cette intensification des flux médiatiques exogènes, une question centrale s’impose : qui raconte l’Afrique, et dans quel intérêt ?

L’Afrique, terrain de conquête médiatique

Depuis plusieurs années, la multiplication de chaînes étrangères en langues africaines illustre une volonté d’influence accrue. Russia Today propose désormais du contenu en swahili et en français ; CGTN (groupe chinois) a renforcé sa couverture africaine ; France 24 et VOA multiplient les partenariats locaux. Ce phénomène n’est pas anodin : il s’agit pour ces puissances de façonner les perceptions, gagner la sympathie des opinions africaines et renforcer leur soft power.

Une production locale sous pression

Pendant ce temps, les médias africains peinent à rivaliser, non par manque de talents ou de sujets, mais par manque de moyens, d’accès aux technologies et de soutien politique structurant. Le contenu local, souvent cantonné à l’actualité immédiate ou aux faits divers, peine à construire des narratifs plus larges, panafricains ou prospectifs. Et les plateformes globales (Facebook, YouTube, X) imposent des algorithmes qui défavorisent souvent la visibilité des productions indépendantes africaines.

Vers un réveil stratégique ?

Mais les lignes bougent. Des initiatives comme l’African Media Initiative, The Continent, Africtivistes ou NewsBridge Africa tentent de relocaliser la production d’information et de renforcer l’expertise africaine sur les grands débats mondiaux : climat, sécurité, migrations, tech, économie…

Certains États commencent aussi à investir dans leurs propres chaînes internationales ou à réguler les flux d’influence. Le défi sera cependant d’éviter que ces médias publics ne deviennent de simples instruments de propagande nationale.

L’heure d’un nouvel écosystème médiatique africain ?

Pour construire une souveraineté médiatique réelle, il ne suffit pas de créer plus de contenus : il faut créer des récits puissants, pluralistes et crédibles, en phase avec les réalités du continent. Cela suppose :

  • Des formations renforcées en journalisme d’investigation, en analyse géopolitique et en data journalism ;

  • Des plateformes de mutualisation technologique pour les rédactions locales ;

  • Des fonds souverains de soutien aux médias indépendants ;

  • Et une mobilisation citoyenne pour exiger une information de qualité.

Le combat pour l’image de l’Afrique est en cours. Soit le continent raconte son histoire avec ses propres mots, soit d’autres continueront à l’écrire à sa place.

vous pourriez aussi aimer
commentaires
Loading...

Messages récents