Maroc-Sénégal : une coopération économique qui se renforce dans les énergies renouvelables

Maroc-Sénégal : une coopération économique qui se renforce dans les énergies renouvelables
Alors que la transition énergétique devient une priorité sur le continent africain, la coopération entre le Maroc et le Sénégal connaît une dynamique nouvelle, marquée par une série de partenariats stratégiques dans le secteur des énergies renouvelables. Ces deux pays, unis par des liens historiques, religieux et économiques, entendent désormais devenir des pôles régionaux de la transition verte, en mutualisant leurs ressources, leurs savoir-faire et leurs ambitions.
Un partenariat énergétique au cœur d’une relation Sud-Sud exemplaire
La relation entre le Maroc et le Sénégal dépasse les simples échanges commerciaux. Elle repose sur une vision partagée d’un développement endogène, inclusif et durable. Depuis les années 2000, les visites royales successives ont donné lieu à la signature de nombreux accords bilatéraux dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la santé, l’éducation, mais aussi, de plus en plus, l’énergie.
En 2024, un tournant a été franchi avec l’annonce d’un partenariat stratégique entre la société marocaine Masen (Agence marocaine pour l’énergie durable) et la société sénégalaise Senelec, visant à développer des infrastructures solaires hybrides dans plusieurs régions rurales du Sénégal. Ce partenariat prévoit la construction de mini-centrales solaires, l’électrification de villages isolés et la formation de techniciens locaux à l’entretien des équipements.
Le Maroc, une locomotive africaine des énergies renouvelables
Le Maroc s’est imposé depuis une décennie comme l’un des leaders africains dans le développement des énergies renouvelables. Grâce à des projets d’envergure comme le complexe solaire Noor à Ouarzazate, le royaume ambitionne de porter la part des énergies vertes à plus de 52 % de son mix énergétique d’ici 2030. Il bénéficie d’un cadre réglementaire favorable, d’un environnement politique stable, et d’une expérience concrète dans le financement, la construction et l’exploitation de centrales propres.
Le transfert d’expertise vers le Sénégal s’inscrit dans une logique de coopération gagnant-gagnant. Pour le Maroc, il s’agit de consolider sa stratégie d’influence économique en Afrique subsaharienne. Pour le Sénégal, c’est une opportunité de combler un déficit énergétique chronique tout en respectant ses engagements climatiques.
Le Sénégal, entre ambitions vertes et réalités du terrain
Le Sénégal, pour sa part, fait face à une double exigence : répondre à une demande croissante d’électricité tout en diversifiant ses sources d’énergie. Le Plan Sénégal Émergent (PSE), adopté en 2014, prévoit une forte hausse de la capacité de production énergétique nationale, dont 30 % issus de sources renouvelables d’ici 2030.
Plusieurs projets photovoltaïques ont vu le jour, comme la centrale de Bokhol (20 MW), ou encore celle de Malicounda, co-financée par des bailleurs internationaux. Toutefois, le potentiel solaire et éolien du pays reste largement sous-exploité, notamment dans les régions intérieures. La coopération avec le Maroc pourrait permettre de surmonter ces limites, en accélérant l’accès à l’expertise technique et aux mécanismes de financement.
Des projets concrets et des perspectives ambitieuses
En janvier 2025, un accord tripartite a été signé entre Masen, Senelec et le groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank, pour la création d’un fonds d’investissement dédié aux infrastructures vertes au Sénégal. Ce fonds, doté initialement de 150 millions de dollars, permettra de financer la construction de 15 mini-centrales solaires et la mise en place de batteries de stockage dans les zones à faible accès au réseau.
Par ailleurs, des universités marocaines et sénégalaises, dont l’UM6P (Université Mohammed VI Polytechnique) et l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop), collaborent à la création de programmes de formation en ingénierie énergétique, afin de préparer les jeunes talents africains aux métiers de la transition.
D’ici 2026, plusieurs milliers de foyers sénégalais devraient bénéficier directement de ces installations, avec des effets positifs attendus sur l’éducation, la santé, l’agriculture irriguée, et l’entrepreneuriat local.
Une alliance durable face aux défis climatiques africains
Le renforcement du partenariat Maroc-Sénégal dans les énergies renouvelables dépasse les seuls enjeux nationaux. Il s’inscrit dans un contexte où l’Afrique, bien que peu émettrice de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les conséquences du changement climatique. Inondations, sécheresses, insécurité alimentaire : les défis sont immenses, et nécessitent une réponse régionale coordonnée.
En se positionnant comme des pionniers de la coopération verte Sud-Sud, Rabat et Dakar envoient un signal fort : celui d’une Afrique qui prend en main son avenir énergétique, qui mise sur l’innovation, la solidarité, et l’investissement responsable pour construire un modèle de croissance résilient et inclusif.
L’exemple de ce partenariat pourrait inspirer d’autres alliances sur le continent, notamment entre pays à fort potentiel solaire (Niger, Mali, Égypte) et nations disposant d’un savoir-faire plus avancé. Il montre surtout que la transition énergétique africaine peut et doit être portée par les Africains eux-mêmes.