Crise énergétique : l’Afrique à l’heure des choix entre souveraineté, transition et coopération

Crise énergétique : l’Afrique à l’heure des choix entre souveraineté, transition et coopération
Alors que la demande énergétique du continent africain ne cesse de croître, la crise énergétique mondiale exacerbe les tensions entre les besoins de développement, les engagements climatiques, et la souveraineté énergétique. Dans un contexte post-COP29 et à l’heure des reconfigurations géopolitiques, l’Afrique se retrouve à la croisée des chemins. Faut-il prioriser l’exploitation des ressources fossiles locales pour alimenter la croissance ? Ou accélérer massivement la transition vers les renouvelables, au risque de dépendre d’acteurs extérieurs pour la technologie et les financements ?

Une demande en énergie qui explose
Avec une population qui atteindra 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, une urbanisation rapide et une industrialisation progressive, l’Afrique connaît une hausse continue de ses besoins énergétiques. Aujourd’hui encore, plus de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité, et près de 900 millions cuisinent encore avec du bois ou du charbon.

Face à cette urgence, plusieurs pays misent sur leurs ressources naturelles : le gaz du Mozambique et du Sénégal, le pétrole nigérian et congolais, le charbon sud-africain, ou encore le nucléaire au Ghana et au Kenya. Cette orientation, cependant, est scrutée de près par les bailleurs de fonds internationaux et les ONG environnementales, qui exigent des engagements climatiques plus ambitieux.

Les énergies renouvelables : un pari encore fragile
Sur le papier, l’Afrique dispose d’un potentiel immense en énergies renouvelables : plus de 10 millions de GW en solaire, des milliers de sites hydroélectriques, un potentiel éolien offshore considérable. Des pays comme le Maroc, le Rwanda, l’Égypte, ou le Cap-Vert sont devenus des leaders régionaux en la matière.

Mais la réalité est plus nuancée. Les projets sont souvent ralentis par le manque d’investissements, de techniciens qualifiés, ou de garanties souveraines. De plus, certaines régions pâtissent d’un cadre réglementaire instable ou de conflits géopolitiques qui freinent l’arrivée des capitaux.

Le dilemme du gaz naturel
Le gaz est aujourd’hui au cœur du débat. Considéré par certains comme une énergie « de transition », il suscite à la fois l’intérêt des pays africains (pour des raisons de souveraineté énergétique) et l’opposition des pays européens (qui tendent à exclure le gaz des financements publics pour des raisons climatiques).

Pour l’Afrique, refuser l’exploitation du gaz revient parfois à hypothéquer son développement économique. Pourtant, les investisseurs occidentaux sont de plus en plus frileux à financer ces projets, sauf en cas de partenariats stratégiques (comme ceux signés entre le Sénégal, l’Allemagne et la Banque mondiale).

Vers une coopération énergétique Sud-Sud ?
Une des pistes prometteuses pourrait venir de la coopération régionale et Sud-Sud. La mise en réseau des systèmes électriques, les projets transfrontaliers comme Desert to Power ou le Grand Barrage de la Renaissance éthiopien, ou encore les alliances technologiques entre l’Afrique et des pays comme la Chine, l’Inde ou la Turquie, pourraient offrir des solutions plus pragmatiques.

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) pourrait jouer un rôle dans l’harmonisation des cadres réglementaires et l’accélération de projets énergétiques communs. Mais cela nécessite une volonté politique forte et une coordination régionale ambitieuse.

Une souveraineté énergétique à réinventer
Le défi de l’Afrique n’est pas seulement de produire plus d’énergie, mais de produire mieux, de manière souveraine et durable. Cela passe par une stratégie claire, adaptée aux réalités locales, et un équilibre intelligent entre exploitation des ressources fossiles, développement des renouvelables et réduction des dépendances extérieures.

La décennie 2025-2035 sera décisive. L’Afrique peut soit devenir le continent le plus résilient face à la crise énergétique mondiale, soit voir se creuser davantage le fossé entre ses ambitions de développement et les réalités énergétiques du terrain.

 

 

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