Réforme des finances publiques au Maroc : cap sur l’audit, l’autonomie et la bonne gouvernance

Réforme des finances publiques au Maroc : cap sur l’audit, l’autonomie et la bonne gouvernance
Une réforme de fond en réponse aux enjeux de transparence et d’efficacité
Le Maroc a entamé, depuis plusieurs années, une réforme en profondeur de ses finances publiques. Sous l’impulsion du ministère de l’Économie et des Finances, cette réforme vise à moderniser la gestion budgétaire de l’État, améliorer la transparence, renforcer l’autonomie des institutions, et garantir une gouvernance plus efficace des deniers publics.
Alors que le pays fait face à une pression budgétaire croissante – alimentée par les défis climatiques, la réforme du système de santé, et la préparation à des événements mondiaux comme la Coupe du Monde 2030 – cette transformation structurelle apparaît comme une nécessité stratégique.
Trois piliers structurants : audit, autonomie, gouvernance
Le nouveau cadre de gestion des finances publiques repose sur trois axes fondamentaux.
1. Généralisation de l’audit et de l’évaluation de la dépense publique
Le Maroc renforce les missions de contrôle interne et externe. L’Inspection Générale des Finances (IGF), les audits internes des ministères, et la Cour des Comptes sont désormais appelés à évaluer non seulement la conformité des dépenses, mais aussi leur efficacité, leur utilité sociale et leur durabilité.
Cela passe par l’évaluation systématique des programmes publics, l’obligation de résultats pour les ministères, et le développement d’une culture de redevabilité envers les citoyens et les élus.
2. Autonomie renforcée des gestionnaires publics
Dans la continuité de la Loi Organique relative à la Loi de Finances (LOLF), les gestionnaires publics bénéficient d’une plus grande liberté dans l’exécution budgétaire, mais aussi d’une responsabilisation accrue.
Chaque ministère, établissement public ou collectivité territoriale est désormais encouragé à élaborer un budget-programme, à suivre ses indicateurs de performance et à rendre compte annuellement de ses actions.
3. Gouvernance budgétaire et transparence
Le portail Open Budget Maroc, la publication de rapports de performance, et la digitalisation des procédures (marchés publics, ordonnancement, suivi budgétaire) renforcent la participation citoyenne, le contrôle des finances publiques, et la lutte contre la corruption.
La stratégie nationale de digitalisation vise à fluidifier les procédures administratives tout en réduisant les zones d’opacité dans l’action publique.
Défis persistants et leviers à activer
Malgré les avancées, plusieurs freins subsistent dans la mise en œuvre de la réforme.
D’une part, des résistances internes existent dans certains corps administratifs, peu habitués à l’approche par résultats. D’autre part, l’insuffisance de compétences spécialisées, en particulier au niveau local, limite l’efficacité des nouveaux outils de gestion. Les tensions budgétaires structurelles compliquent également l’allocation efficace des ressources.
Enfin, le rôle du Parlement reste en retrait. Bien que les députés disposent de plus d’outils pour contrôler l’exécution budgétaire, l’appropriation politique des rapports de performance demeure limitée.
La réussite de la réforme dépendra de la formation continue des cadres, de la décentralisation réelle des ressources et d’une volonté politique constante d’aller jusqu’au bout du changement.
Une réforme observée à l’échelle continentale
Le Maroc est aujourd’hui l’un des pays africains les plus avancés en matière de réforme des finances publiques. Les institutions internationales comme le FMI ou la Banque mondiale saluent les progrès accomplis, notamment dans la programmation pluriannuelle, la prise en compte des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans les budgets, ou encore la montée en puissance du contrôle des résultats.
Plusieurs pays africains francophones, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Cameroun, suivent avec attention l’expérience marocaine, dans l’espoir d’appliquer chez eux les bonnes pratiques de la LOLF ou du budget axé sur les performances.
Le Maroc pourrait ainsi s’affirmer comme un modèle de gouvernance budgétaire en Afrique, à condition de traduire les ambitions institutionnelles en résultats concrets pour les citoyens.
Conclusion : vers un État comptable et responsable
La réforme des finances publiques au Maroc dépasse la seule sphère administrative. Elle reflète un changement de paradigme : passer d’un État gestionnaire à un État stratège, capable de mesurer l’impact de chaque dirham dépensé.
C’est aussi un engagement vis-à-vis des citoyens : garantir que chaque politique publique, chaque investissement, chaque programme social soit utile, mesuré, transparent et justifié.
Dans un contexte de fortes attentes sociales et économiques, cette exigence d’efficacité, de redevabilité et de gouvernance moderne s’impose comme une réponse à la fois pragmatique et politique.