Afrique francophone vs. Afrique anglophone : qui attire le plus d’investissements directs étrangers, et pourquoi ?

Afrique francophone vs. Afrique anglophone : qui attire le plus d’investissements directs étrangers, et pourquoi ?
Depuis les années 2000, le continent africain est devenu une destination de plus en plus attractive pour les investissements directs étrangers (IDE). Toutefois, ces flux ne se répartissent pas équitablement : une ligne de fracture semble persister entre l’Afrique anglophone et l’Afrique francophone.
Alors que des pays comme le Nigeria, le Kenya ou encore l’Afrique du Sud captent la majorité des IDE, beaucoup de pays francophones — à l’exception notable du Maroc et de la Côte d’Ivoire — peinent à se hisser au rang des destinations privilégiées. D’où vient ce déséquilibre structurel ? Est-il une conséquence de facteurs historiques, économiques ou institutionnels ? Et peut-on imaginer un rééquilibrage à moyen terme ?
Un écart persistant
Selon les dernières données de la CNUCED (2024), l’Afrique anglophone concentre environ 65 % des IDE entrants sur le continent. Le Nigeria, l’Éthiopie, le Kenya et l’Afrique du Sud à eux seuls représentent plus de 40 % des flux annuels. Les pays francophones, eux, restent à la traîne, à l’exception de quelques locomotives comme le Maroc, le Sénégal, ou la Côte d’Ivoire.
Ce déséquilibre est particulièrement flagrant dans les secteurs technologiques, les énergies renouvelables et les infrastructures. Le Kenya est considéré comme le « Silicon Savannah », abritant plus de 500 startups tech actives. En Afrique francophone, l’écosystème entrepreneurial commence à émerger mais souffre encore d’un déficit de structuration, de financement et de visibilité.
Des raisons historiques et linguistiques
L’héritage colonial joue un rôle non négligeable. Les pays anglophones ont hérité d’un système juridique de common law, perçu comme plus favorable aux investisseurs étrangers par sa souplesse et sa prévisibilité. À l’inverse, les pays francophones appliquent souvent un droit romano-germanique, plus rigide, moins orienté business, et parfois complexe à interpréter pour des investisseurs non familiers.
La langue est un autre levier de différenciation. L’anglais, langue dominante dans le commerce mondial, est un facteur d’attractivité pour les multinationales. À l’inverse, la barrière linguistique dans certains pays francophones est réelle, en particulier pour les fonds anglo-saxons.
Climat des affaires et stabilité réglementaire
L’indice Doing Business (même s’il a été suspendu) et d’autres classements comme le Mo Ibrahim Index soulignent également des disparités dans le climat des affaires. Les pays anglophones ont souvent devancé leurs voisins francophones sur la dématérialisation des procédures, la transparence fiscale, ou la simplification des démarches d’enregistrement des entreprises.
Toutefois, des réformes ambitieuses ont été menées dans certains pays francophones. Le Rwanda, bien que bilingue, est un modèle. Le Bénin et la Côte d’Ivoire ont également amélioré leur climat des affaires, tout comme le Sénégal, qui attire de plus en plus de capitaux dans les télécoms et les services numériques.
Le rôle des zones économiques spéciales
Les pays anglophones ont souvent anticipé la mise en place de zones économiques spéciales (ZES) performantes et intégrées : Lagos Free Trade Zone, Lekki Port, ou encore la Konza Technopolis au Kenya. Ces zones offrent un cadre sécurisé et stable pour les investisseurs, avec une fiscalité allégée et des infrastructures modernes.
En Afrique francophone, les ZES restent encore peu développées, parfois mal gérées ou trop éloignées des centres de production. Cependant, le Maroc avec Tanger Med et la Côte d’Ivoire avec la zone de PK24 à Abidjan sont en train de renverser la tendance.
Vers un rééquilibrage ?
La dynamique semble néanmoins évoluer. Plusieurs pays francophones développent des stratégies nationales d’attractivité basées sur les partenariats public-privé, l’open data, et le soutien aux startups locales. La montée en puissance des fonds d’investissement panafricains, comme Partech Africa ou Janngo Capital, pourrait aussi corriger le biais de préférence anglophone.
De plus, l’entrée en vigueur de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) encourage une harmonisation des normes et une meilleure circulation des capitaux et des talents. Cela pourrait renforcer l’attractivité des marchés francophones à forte population, comme la RDC, le Mali ou le Niger.
L’enjeu est donc de dépasser les clivages linguistiques et juridiques pour bâtir un écosystème africain intégré où l’IDE ne dépendra plus de l’héritage colonial mais de la vision, de la stabilité et de l’innovation locale.