Les Bourses africaines à l’ère de la digitalisation : vers une inclusion plus large des investisseurs locaux ?

Les Bourses africaines à l’ère de la digitalisation : vers une inclusion plus large des investisseurs locaux ?
Les marchés boursiers africains ont longtemps souffert d’une faible participation locale, d’un manque de liquidité et d’une perception d’élitisme. Pourtant, depuis quelques années, un changement de cap s’opère, porté par la digitalisation accélérée des infrastructures boursières. Du Maroc au Nigeria, du Rwanda à l’Égypte, les plateformes d’investissement en ligne, les outils mobiles, et les initiatives d’éducation financière transforment peu à peu la relation des citoyens avec la Bourse.
Une digitalisation portée par la nécessité
La pandémie de Covid-19 a agi comme un catalyseur de cette transformation. Alors que les déplacements étaient limités et les guichets physiques fermés, plusieurs Bourses africaines ont dû adapter en urgence leurs systèmes pour garantir la continuité des opérations. Des plateformes comme EasyEquities Nigeria, Boursa Maroc Mobile, ou EGX Trading Online en Égypte se sont ainsi renforcées ou ont vu le jour.
Aujourd’hui, des applications permettent d’acheter des actions à partir de quelques dizaines de dirhams ou de nairas, directement depuis un smartphone. Cette accessibilité inédite ouvre la porte à de nouveaux profils d’investisseurs : jeunes urbains, auto-entrepreneurs, femmes actives, membres de la diaspora, etc.
Un boom de la micro-investissement boursier
Les outils numériques ont donné naissance à une nouvelle tendance : le micro-investissement boursier. Il ne s’agit plus uniquement de gérer des portefeuilles de plusieurs centaines de milliers de francs CFA ou de dirhams, mais de permettre à des particuliers de diversifier leur épargne progressivement. Cette démocratisation repose aussi sur le développement des comptes-titres simplifiés et des applications d’apprentissage ludique.
Des fintechs africaines comme Chaka (Nigeria), Thndr (Égypte), ou MaliStock (Mali) proposent désormais des parcours éducatifs intégrés, des simulateurs, et un accompagnement personnalisé. Le but est de lever les barrières psychologiques et techniques à l’entrée en Bourse.
Une participation encore marginale, mais en croissance
Malgré ces avancées, la Bourse reste encore marginale dans l’imaginaire économique de nombreux Africains. Selon une étude menée en 2024 par la Banque Africaine de Développement, moins de 5 % des citoyens de l’UEMOA détiennent des titres financiers. Au Maroc, ce chiffre est légèrement supérieur (environ 7 %), mais reste très en deçà des niveaux observés en Europe ou en Asie.
Les raisons sont multiples : faible culture financière, méfiance envers les institutions, faible performance perçue des marchés, ou encore priorisation de l’investissement immobilier ou entrepreneurial. Toutefois, l’émergence de produits hybrides – comme les ETF africains, les obligations vertes citoyennes ou les titres indexés sur l’or ou les matières premières locales – suscite un regain d’intérêt.
Vers une Afrique boursière plus inclusive ?
Pour que la digitalisation tienne ses promesses en matière d’inclusion, plusieurs conditions doivent être réunies. Il faut d’abord renforcer la régulation et la sécurité des plateformes numériques, afin de protéger les épargnants. Il est également crucial de mettre en place des campagnes massives d’éducation financière, ciblées sur les jeunes et les zones périurbaines.
Enfin, la création de Bourses régionales interconnectées, comme le projet de Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) de l’UEMOA, pourrait favoriser la liquidité et attirer des investisseurs au-delà des frontières nationales.
Un avenir boursier africain entre prudence et optimisme
Les marchés financiers africains ne rivalisent pas encore avec ceux de Wall Street ou de Tokyo. Mais le vent tourne. La Bourse n’est plus l’apanage des élites ou des grandes institutions. Elle devient peu à peu un outil accessible de gestion de patrimoine, d’investissement productif et de participation citoyenne à la croissance économique.
Avec le bon équilibre entre innovation technologique, régulation intelligente et accompagnement pédagogique, l’Afrique pourrait bien, dans la prochaine décennie, faire émerger une culture boursière populaire, ancrée dans la réalité de ses économies locales.