De la débrouille à la croissance : quand les start-up informelles s’imposent en Afrique francophone

De la débrouille à la croissance : quand les start-up informelles s’imposent en Afrique francophone
Dans les rues d’Abidjan, de Dakar ou de Douala, les idées foisonnent. Bien avant d’intégrer un incubateur ou de déposer un statut juridique, des milliers de jeunes Africains lancent leur propre affaire à l’aide d’un smartphone, d’un compte Instagram ou d’un simple groupe WhatsApp. Ce phénomène de l’entrepreneuriat informel prend une ampleur nouvelle : loin d’être marginal, il devient l’un des moteurs de la croissance entrepreneuriale sur le continent.

Une culture de la débrouille structurée
Les start-up « informelles » ne sont plus seulement des initiatives de survie. Elles s’appuient sur des compétences concrètes (graphisme, coiffure, livraison, commerce en ligne, développement web…) et une culture numérique profonde. À Dakar, Aminata a lancé sa marque de cosmétiques naturels depuis sa chambre avec une simple page Facebook. Trois ans plus tard, elle gère une petite équipe, vend en ligne, mais n’a toujours pas de statut juridique. « Je n’en voyais pas l’utilité, jusqu’à ce qu’un incubateur me demande un registre de commerce », explique-t-elle.

Ce parcours est de plus en plus fréquent : une phase « off », dynamique mais précaire, suivie d’une formalisation à mesure que les opportunités – et les obligations – se présentent. Les freins sont multiples : démarches longues, coûts administratifs, pression fiscale, et méfiance envers l’État.

L’écosystème s’adapte… lentement
Face à cette réalité, les structures d’accompagnement évoluent. Jokkolabs, pionnier de l’innovation collaborative en Afrique francophone, a revu ses critères pour intégrer des projets en phase de pré-formalisation. À Abidjan, Orange Corners accueille des porteurs de projets « non enregistrés » à condition qu’ils montrent un potentiel de croissance.

Les bailleurs internationaux (AFD, GIZ, UE, etc.) encouragent aussi cette ouverture. « Il faut aller là où se trouvent les entrepreneurs, pas là où l’administration les attend », résume un expert de l’accompagnement en Afrique de l’Ouest.

Des solutions hybrides émergent
Face à l’explosion des activités informelles numérisées, des fintechs africaines développent des outils adaptés. Au Cameroun, Ejara permet aux travailleurs indépendants d’épargner et d’accéder à de petits financements via la blockchain. Au Sénégal, MaTontine digitalise les tontines tout en préparant les utilisateurs à la bancarisation.

Certaines initiatives publiques vont dans le bon sens. En Côte d’Ivoire, le programme « Mon Entreprise » facilite la création d’entreprise en ligne. Mais la méfiance demeure forte. La majorité des jeunes entrepreneurs préfèrent rester « hors radar », tant qu’aucun avantage tangible ne justifie l’entrée dans la légalité.

Et maintenant ?
La réalité est simple : l’informel restera un pilier de l’économie africaine pendant encore longtemps. Mais au lieu de l’ignorer ou de le réprimer, certains acteurs commencent à le considérer comme une étape naturelle de l’entrepreneuriat. La vraie question n’est plus « comment faire disparaître l’informel ? », mais « comment l’accompagner vers un modèle durable, profitable et équitable ? ».

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