Crise de l’eau en Afrique : urgence climatique, inertie politique ?

Crise de l’eau en Afrique : urgence climatique, inertie politique ?
Alors que les canicules deviennent plus fréquentes et les sécheresses plus longues, l’Afrique fait face à une crise hydrique qui s’annonce comme l’un des plus grands défis du siècle. De Lagos à Antananarivo, du Sahel au Cap, l’accès à l’eau devient un marqueur de vulnérabilité sociale, de tension politique, mais aussi d’inefficacité institutionnelle.

Et pourtant, le paradoxe est frappant : le continent dispose de vastes ressources en eau douce, de grands fleuves (le Nil, le Congo, le Niger, le Zambèze), d’aquifères souterrains immenses, de précipitations abondantes dans certaines régions. Alors pourquoi des millions d’Africains n’ont-ils toujours pas accès à une eau potable, salubre, et disponible ?

Le premier facteur est climatique. Le réchauffement global frappe plus durement les régions tropicales, où les épisodes extrêmes (inondations, sécheresses, pluies torrentielles) se multiplient. Le bassin du Tchad, par exemple, a perdu 90% de sa surface en quelques décennies. Le fleuve Limpopo connaît des crues meurtrières, tandis que les nappes phréatiques du Maghreb sont surexploitées.

Mais au-delà du climat, c’est la gouvernance de l’eau qui interroge. Dans de nombreux pays, les infrastructures sont vétustes, les pertes en réseau atteignent parfois 40%, et les investissements publics dans le secteur restent faibles. Les projets sont souvent mal coordonnés, soumis à des logiques politiciennes ou dépendants de bailleurs étrangers.

En milieu rural, les forages sont parfois laissés à l’abandon, faute d’entretien. En milieu urbain, l’explosion démographique étouffe les systèmes d’approvisionnement. À Dakar, Nairobi ou Addis-Abeba, les quartiers périphériques doivent acheter de l’eau à prix fort auprès de revendeurs informels, parfois de qualité douteuse.

L’eau devient aussi une source de tensions. Entre agriculteurs et villes, entre pays voisins partageant un fleuve, entre citoyens et autorités. Le barrage de la Renaissance en Éthiopie cristallise depuis des années les crispations autour du Nil. Le fleuve Sénégal, partagé entre quatre États, souffre de désaccords sur la gestion des crues.

Pourtant, des alternatives existent. L’Afrique compte des exemples de bonne gestion de l’eau : le Cap, en Afrique du Sud, a su éviter le “Day Zero” grâce à des politiques de sobriété et une mobilisation citoyenne ; le Maroc investit massivement dans la désalinisation et la réutilisation des eaux usées ; le Rwanda a renforcé la protection de ses bassins versants via des coopératives rurales.

Il faut aussi accélérer l’innovation : capteurs intelligents pour détecter les fuites, drones pour surveiller les ressources, plateformes numériques de gestion communautaire, systèmes solaires de pompage… Les startups du secteur de la “WaterTech” émergent, mais manquent encore d’un cadre structurant et de financements à l’échelle.

La gestion de l’eau ne peut plus être traitée comme un sujet technique secondaire. C’est une priorité stratégique pour la santé publique, la sécurité alimentaire, la stabilité sociale, la souveraineté nationale.

L’Afrique doit investir dans des politiques intégrées, centrées sur la résilience climatique, l’implication des usagers, la justice environnementale. Elle doit renforcer ses institutions de bassin, encourager les partenariats public-privé, miser sur la formation des ingénieurs et techniciens de l’eau.

Enfin, il est temps de considérer l’eau non comme une simple ressource, mais comme un bien commun. Sa gestion doit obéir à une logique d’équité, de transparence et de durabilité.

L’Afrique a les moyens de devenir un laboratoire de la transition hydrique mondiale. À condition d’en faire une priorité politique, maintenant.

 

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