Casablanca 2030 : peut-elle devenir un hub africain à la hauteur de ses ambitions ?

Casablanca 2030 : peut-elle devenir un hub africain à la hauteur de ses ambitions ?
Casablanca, ville tentaculaire de plus de 4 millions d’habitants, capitale économique du Maroc, concentre à elle seule près de 32 % du PIB national, et abrite le siège de la majorité des grandes entreprises du pays. Carrefour d’infrastructures, point d’ancrage de la finance et de l’industrie, elle aspire depuis plusieurs années à devenir non seulement un centre régional de décision, mais aussi un véritable hub continental, à l’image de Dubaï, Johannesburg ou Nairobi.
À l’horizon 2030, cette ambition pourrait se concrétiser. Mais la question reste posée : Casablanca a-t-elle les moyens structurels, humains et politiques de devenir une métropole africaine de rang mondial ? Peut-elle réellement jouer le rôle de plateforme entre l’Afrique subsaharienne, l’Europe et le monde arabe ? Quels sont ses atouts, ses limites, et les défis à surmonter ?
Casablanca bénéficie d’un positionnement géographique stratégique. Située sur l’axe transatlantique, connectée à l’Europe en quelques heures de vol, et désormais de plus en plus reliée aux capitales africaines grâce à Royal Air Maroc et à des compagnies régionales, la ville est naturellement appelée à jouer un rôle de plateforme logistique, commerciale et financière.
Cette ambition a été structurée autour de plusieurs projets majeurs :
Le développement du port de Tanger Med, à l’échelle nationale, mais dont Casablanca tire des bénéfices indirects en matière d’échanges.
La création de Casablanca Finance City (CFC), zone dédiée aux sièges régionaux de multinationales et aux services financiers à vocation panafricaine.
La rénovation des infrastructures urbaines, avec le tramway, les zones industrielles modernisées (Aïn Sebaâ, Nouaceur), et des programmes de logements.
L’installation de sièges d’entreprises internationales, notamment dans les secteurs de l’énergie, de la banque, des télécoms, de l’aéronautique et de la pharmacie.
Casablanca Finance City a réussi à attirer plus de 200 entreprises à forte dimension africaine, devenant ainsi une passerelle administrative et fiscale pour les investissements vers l’Afrique de l’Ouest et centrale. Des institutions financières telles que Barclays Africa, BNP Paribas, Allianz, Axa, Société Générale ou encore des cabinets de conseil comme Boston Consulting Group y ont établi leur base continentale.
Mais Casablanca est aussi victime de son propre dynamisme. Les défis sont nombreux :
Une urbanisation rapide et désorganisée, avec des quartiers saturés, un habitat informel persistant et des embouteillages chroniques.
Une pollution atmosphérique et sonore de plus en plus préoccupante.
Un déséquilibre entre zones industrielles et zones résidentielles, entraînant des difficultés de mobilité.
Une inégalité sociale et spatiale marquée, avec des écarts importants de développement entre les arrondissements.
À cela s’ajoutent les défis classiques des métropoles africaines : gouvernance morcelée, coordination difficile entre acteurs publics, faible autonomie financière des collectivités locales, lourdeur administrative pour les investisseurs étrangers.
Pour passer à l’échelle supérieure, Casablanca devra accélérer sa mutation vers un modèle métropolitain intégré, qui repose sur :
Une planification urbaine à long terme, intégrant les besoins de logement, de transport, d’espaces verts et d’emplois.
Une modernisation de la gouvernance locale, avec un pouvoir renforcé du conseil de la ville et une coordination avec les instances régionales.
Une politique ambitieuse de digitalisation des services publics et de simplification administrative.
Un effort massif en faveur de l’innovation urbaine, avec la création de pôles technologiques, de hubs culturels et d’espaces d’expérimentation.
Le potentiel de Casablanca est indéniable. La ville peut s’appuyer sur une jeunesse formée, des universités reconnues, un écosystème entrepreneurial en croissance, et une dynamique d’ouverture vers l’Afrique. Le Maroc lui-même a fait de la coopération sud-sud une priorité diplomatique, et Casablanca en est l’un des bras opérationnels.
Si elle parvient à renforcer sa résilience urbaine, à mieux gérer sa croissance, à attirer des talents africains et à positionner son offre de services sur des niches continentales (finance verte, industrie légère, conseil, formation, tech…), Casablanca pourra devenir l’un des pôles majeurs de l’Afrique de demain.
Mais cette ambition ne se décrète pas. Elle se construit, avec constance, transparence, investissement, inclusion et vision. Casablanca a le potentiel, encore faut-il lui donner les moyens de devenir la vitrine moderne d’un Maroc tourné vers l’Afrique et de s’imposer comme une capitale économique continentale incontournable d’ici 2030.