Les cryptomonnaies en Afrique : menace ou levier d’inclusion financière ?

Les cryptomonnaies en Afrique : menace ou levier d’inclusion financière ?
Depuis quelques années, le continent africain est devenu un terrain d’expérimentation pour les cryptomonnaies. Alors que les systèmes bancaires traditionnels peinent à inclure les populations rurales ou informelles, le Bitcoin, l’Ethereum ou encore l’USDT apparaissent pour beaucoup comme un raccourci vers la liberté financière. Mais cette révolution est à double tranchant.
La question centrale reste : les cryptomonnaies peuvent-elles réellement servir l’inclusion financière en Afrique, ou risquent-elles de reproduire — voire aggraver — les inégalités existantes ?
Un engouement populaire
Dans des pays comme le Nigeria, le Kenya ou l’Afrique du Sud, les cryptomonnaies sont massivement adoptées par les jeunes, les commerçants informels et la diaspora. Le Nigeria est même devenu, selon plusieurs rapports, l’un des plus gros marchés du Bitcoin au monde en volume P2P (peer-to-peer).
Les raisons sont simples : l’accès aux services bancaires classiques reste limité pour une grande partie de la population, les devises locales sont instables, et les frais de transfert internationaux (notamment pour les diasporas) sont exorbitants. Les cryptos offrent une solution rapide, parfois anonyme, et potentiellement rentable.
En RDC ou au Cameroun, des jeunes utilisent les cryptomonnaies pour payer leurs fournisseurs chinois, recevoir des paiements depuis l’étranger, ou épargner face à l’inflation. De plus en plus de formations locales, sur YouTube ou Telegram, sensibilisent à cette nouvelle finance.
Des risques bien réels
Mais cette ruée vers les cryptos comporte aussi de nombreux dangers. Arnaques pyramidales, volatilité extrême des cours, absence de régulation, risques de blanchiment : les exemples ne manquent pas. Des milliers d’Africains ont déjà perdu leurs économies dans des projets frauduleux comme « Liyeplimal » ou « MTI ».
Les autorités, elles, avancent en ordre dispersé. La Banque Centrale du Nigeria a interdit les transactions crypto via les banques, avant de créer sa propre monnaie numérique (e-Naira). D’autres pays comme le Maroc, la Tunisie ou le Sénégal interdisent ou restreignent leur usage, mais peinent à en contrôler la circulation réelle.
Inclusion ou illusion ?
Le potentiel des cryptomonnaies est indéniable : elles peuvent réduire les frais de transaction, faciliter le commerce transfrontalier informel, et offrir une épargne hors système bancaire. Mais elles ne peuvent être une solution structurelle à l’exclusion financière sans un écosystème solide : formation, régulation, protection des consommateurs.
Sans cela, on risque de voir émerger un nouvel eldorado pour les fraudeurs… au détriment des plus vulnérables.
Quelle régulation africaine ?
L’Union africaine n’a, pour l’instant, adopté aucun cadre commun de régulation. Pourtant, l’harmonisation est essentielle pour éviter l’arbitrage réglementaire, où les acteurs les moins scrupuleux se déplacent simplement d’un pays à l’autre.
Des initiatives comme la Sandbox Réglementaire de la BCEAO, ou encore le projet de Central Bank Digital Currency (CBDC) de l’Afrique du Sud, peuvent servir de base à une approche continentale.
Conclusion : ne pas rater le coche
Le continent africain a raté la révolution industrielle, partiellement celle du numérique… Il ne peut se permettre de manquer la révolution financière. Mais cette fois, l’enjeu n’est pas seulement technologique. Il est aussi éthique : offrir une finance accessible, sûre, et réellement au service du développement.